Alumni de l'ICP, l'avocat Thibault Faugeras et le co-fondateur et gérant de Veja François-Ghislain Morillon, croisent leur regard sur l'apport de la philosophie dans leur parcours respectif.
François-Ghislain Morillon - Dans mon parcours, la philosophie m’est apparue à un moment comme nécessaire, un besoin de me reconnecter après des années consacrées à mon entreprise. Je le vivais comme un éloignement de quelque chose qui m’attirait profondément. Sans cela, j’aurais été malheureux et donc désagréable, moins aimable ! Cela m’a permis de voir les gens autour de moi plus forts qu’ils ne paraissent, de laisser plus de place à l’autre.
Comme dirigeant d’entreprise, malgré les échecs qu’on peut rencontrer, on occupe souvent une position dominante. À ce propos, je dirais que la confrontation avec les grands esprits
amène une forme d’humilité. C’est toujours bien de se confronter à des gens plus malins que soi, comme c’est souvent le cas avec les philosophes !
Thibault Faugeras - Le dialogue associé à la philosophie me paraît essentiel. Il permet de s’extraire du rapport un peu spontané et quelque peu naïf qu’on peut avoir au monde. Il importe de laisser une place plus importante à l’autre, de le considérer comme un intermédiaire nécessaire. Avec lui, on peut faire émerger une pensée, développer un argumentaire. Et peut-être, collectivement, cheminer vers une forme de vérité, du moins y tendre sans totalement y parvenir. Ce n’est pas forcément trouver des réponses, mais déjà se poser les bonnes questions. Appréhender le réel dans toute sa complexité, s’extraire de ce qu’on appelle la doxa, les opinions reçues sans discussion, ces conceptions morales et scientifiques qu’on peut plaquer sur tout ! Dans mon domaine, beaucoup de juristes sont des techniciens qui considèrent qu’il y a une cohérence interne à toutes les règles, que tout s’articule de façon très logique, au risque de tout déshumaniser. Il faut renouer avec cette complexité !
F.-G. M. Je suis d’accord ! Et pour compléter, je dirais que la philosophie dans sa recherche ne peut faire l’impasse sur les grandes questions contemporaines telles que l’écologie, l’éthique, le bien commun… Plutôt que de se retrancher comme on le voit parfois derrière des préoccupations très académiques et s’enfermer dans la course aux publications scientifiques. La philosophie doit être en direct avec le monde !
T. F. « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée », disait Descartes. La bonne nouvelle, c’est que cette recherche philosophique appartient à tout le monde. Quels que soient son parcours et son niveau d’études, chacun peut avoir une opinion singulière et qu’elle soit ensuite contestable, à propos des choses essentielles qui structurent notre temps.
Publié le 18 février 2025–Mis à jour le 14 mars 2025